"Parcours Croisés"- Chapitre 19

Parcours croisés – Mercredi soir
Chapitre 19
Annie

L’alcool, la chaleur, la complicité avec Martina … j’ai osé … je voyais la jambe de Martina aller et venir lentement. A la mine d’Alain, j’ai deviné que ça ne le laissait pas indifférent. Martina a capté mon regard et m’a fait un clin d’œil, en se mordant un petit bout de langue entre ses dents. En continuant à la regarder, j’ai replié une jambe et du pied j’ai poussé son mollet vers les genoux d’Alain. Elle a baissé les yeux vers mon pied. Nous avons surpris toutes les deux le léger mouvement sous le bermuda, et j’ai posé sur le sexe la plante de mon pied, restant immobile un instant, avant de me mettre à replier et déplier lentement les orteils. Alain a baissé les yeux sur mon pied, puis est remonté le long de ma jambe. Ma jupe avait glissé sur ma cuisse, et je n’avais fait aucun effort pour la remettre en place.
Martina nous a proposé un café. En se levant, elle a posé une main sur mon pied :
- Je m’en occupe, reste assise … Toi aussi, chéri … j’amènerai les alcools …
Christophe a changé de position et passé un bras sur mes épaules. Il s’est tourné vers Véronique :
- Tu vas bien ?
- … tête lourde …
- Et toi, Jo ? tu sembles vider ton verre bien vite !
- Non, ça va …
Annie est revenue avec un plateau chargé de six tasses de café, de sucre, de bouteilles de Marie Brizzard et de Cognac, de verres ballons et d’un bol plein de glaçons. Christophe a réparti les tasses :
- Annie, nous connaissons déjà ton goût pour les exhibitions matinales, mais c’est Martina qui nous en a régalé. Qu’acceptes-tu de nous apprendre qui nous ferait mieux te connaître ?
- Faut-il que ce soit « une première fois » pour moi aussi ?
- Ce serait bien, mais je reconnais que le champ des possibles premières fois se res-treint …
- Je crois savoir malgré tout …
- Aahhh ! prends ton temps, alors, donne-nous à rêver !
- De tout ce que vous avez raconté depuis le début de la soirée, je me rends bien compte que ma vie manque singulièrement d’originalité.

Ma défloraison n’a pas … « la grandeur » de celle de Véro ; elle vous aurait fait pleurer, d’ennui et de tristesse. Quant à ma première découverte du plaisir au féminin, elle a avorté : je n’ai pas osé la mener au bout. Pour ce qui est des hommes, croyez-moi, mon expérience se résume à celui qui soulève mon t-shirt dans la rue sous les yeux de Martina … qui part le lundi … qui reviendra vendredi … j’ai l’impression de plomber l’ambiance, là … mais ça va, je vais bien … et je dois vous dire que depuis quelques jours, je vais mieux, grâce à vous … je me sentais vivante pour moi … maintenant je me sens vivante pour vous … et c’est bon … Bon ! ça, c’est dit ! …Pardon , je raconte pas ! Voilà … j’ai toujours été solitaire, et pour … tout … je m’en sors seule, enfin … presque … j’y viens ! Marco, c’est un gros lourd, un bon gros lourd … mais il a parfois des idées de génie ! A force de traverser l’Allemagne deux fois par semaine, il y a environ quatre ans, il a fini par s’arrêter, et puis par visiter, et rentrer dans des … boutiques … et depuis, tous les mois, il me ramène un souvenir … Quatre ans, ça fait des tas de souvenirs, en fait une armoire pleine de souvenirs … des bleus, des noirs, des bizarres, des énormes, j’en ai même qui font de la musique ; en plastique, en métal, de tout, je vous dis ! Froncez pas les sourcils ! c’est vrai ! J’en ai aussi un en verre : quand on le retourne, la neige tombe et on voit le Père Noël ! … Marco me ramène des tonnes de godes !
- Waaouuuh ! Une armoire de godes ! T’es ma copine, dis ? Hein que chuis ta co-pine aussi?
- Mais oui, Martina ! t’es ma copine ! J’entrouvrirai mon armoire devant tes yeux éba-his ! … De temps en temps, sur internet, je regarde ce qui se vend en sex’shop : eh ben devinez ? j’ai un mal fou à trouver un truc inédit, un truc que je n’ai pas ! J’ai même des objets pour messieurs ! Je soupçonne Marco de tricher ! Il me les donne mais … il se lève peut-être la nuit pour les essayer … qui sait ! … et je veux pas savoir !
- Chéri, je demanderai à ma copine de me prêter un de ces joujoux pour messieurs … tu veux bien ?
- Et votre nouveauté, petite cachotière, où est cette nouveauté ?
- J’y viens Christophe … Un jour, il m’a rapporté un petit sac en velours noir, fermé d’un cordon doré.
C’était lourd, ça tenait au creux de la main. Jai dénoué le cordon, j’ai renversé le sac : j’avais dans la main un objet métallique très brillant. Imaginez … une grosse olive, environ trois centimètres de diamètre, pointue à une extrémité, et à l’autre extrémité une queue assez fine qui se termine par …
- … comme une pierre précieuse colorée ?
- Non Christophe ! j’en ai aussi un comme ça, plus gros que le premier d’ailleurs, mais j’en reste à ma première fois, n’oublie pas ! Non, celui-là se termine par une sorte de … parenthèse, couleur bronze, avec une petite pierre de couleur au centre !
- Allez, Annie ! Quant à moi, je connais cet objet ! mais regarde leurs yeux écarquillés … aie pitié d’eux ! Donne leur le mode d’emploi ! Sois directe …
- Eh bien c’est très simple ! En le tenant à deux doigts par la parenthèse, on l’enfonce bien à fond entre ses fesses, jusqu’à ce que l’anus se referme sur la tige plus fine, et la parenthèse l’empêche de disparaître totalement ! … et on se promène avec … et quand on jouit, mesdames … et pourquoi pas messieurs, après tout … les sensations du cul qui se resserre dessus … mmmmmm … c’est … divin !
Véronique s’est redressée, accoudée à la table et bois littéralement mes paroles :
- Ça a l’air vachement bien ! et on se promène avec aussi ?
Je me suis mise à rire, me cachant derrière ma main, faisant oui de la tête.
Martina s’est penchée vers moi , la main sur mon pied qui avait repris un massage que je « sentais efficace » sur Alain, et m’interrogeait du regard … et j’ai fait oui de la tête !
Elle s’est rejetée en arrière, yeux grands ouverts, les deux mains cachant sa bouche.
Christophe m’a pressé l’épaule plusieurs fois :
- Vous êtes une jeune femme étonnante !
- Au point où on en est, on pourrait se tutoyer … s’il te plaît …
- Je t’approuves totalement !
et il m’a embrassé sur la joue …
Véronique, toujours accoudée, la tête dans les mains a insisté :
- T’as pas répondu, on peut se promener avec, alors ?
Elle n’a pas eu sa réponse … Martina, Alain, Christophe et moi sommes partis d’un long fou-rire, qui reprenait à chaque fois qu’on la regardait !
- Bon, puisque vous vous foutez de moi, je vais faire pipi !
… et nous sommes repartis à rire de plus belle quand elle est partie, la démarche hésitante, en haussant les épaules.

Martina n’a pas voulu déranger Alain, qui appréciait mon massage, bien calé au fond de sa chaise, les yeux dans le vague, et a proposé des alcools :
- Je profite que Véro ne soit plus là pour vous servir, je crois qu’elle a largement assez bu pour la soirée. Un cognac pour tous les deux ? Annie ?
- Non merci, je tremperai un sucre dans un verre …
- Comme moi …
Martina m’a donné un sucre :
- Je peux, Christophe ?
- Bien sûr !
Alain a posé la main sur mon pied pour calmer les mouvements de mes orteils. J’ai voulu retirer mon pied pour arrêter ma petite , mais il l’a maintenu sur son sexe, et se tournant vers Christophe :
- Je crois bien qu’il ne reste que toi …
- C’est vrai, je serais donc le dernier. Mais contrairement à tous vos récits, je n’ai pas de « première fois ». Il y en a eu, mais elles sont si loin …
- Ne nous dit pas que tu conjugues tout au passé !
- Non, non, mais ma vie est beaucoup plus calme qu’elle ne l’a été ; je n’ai plus que des amours discrètes, et furtives …
- Je ne t’ai jamais vue une femme à ton bras …
- … Maria veut rester discrète … alors vous le serez aussi, n’est-ce pas ?
- Maria ? Ta femme de ménage ? … je croyais qu’elle était mariée ?
- Allons ,Martina , depuis quand serais-ce un empêchement ? … Son mari leur construit une maison au Portugal … il ne revient que tous les trois mois … nos solitudes se rejoignent parfois …
- Alors, que vas-tu nous raconter ?
- Une vieille histoire … imaginez un peu, j’avais à peine votre âge, c’est vous dire qu’il y a fort longtemps. Je commence … Quand j’ai repris la librairie, l’ancien propriétaire m’a donné un conseil : il s’agissait de faire une chose que lui-même n’avait pas osé faire ! Développer un rayon de lectures érotiques ! Il pensait que les habitants de notre petite ville en seraient friands et seraient moins gênés de les acheter à un nouveau venu qu’à lui-même, trop connu depuis trop longtemps de tous.
Ce conseil s’est avéré excellent ! Cette littérature se vend fort bien ! Je ne connaissais pas trop moi-même, j’ai donc commencé par lire pour pouvoir conseiller, et j’ai apprécié. Quant à conseiller, j’ai vite compris que ces clients, appréciant la discrétion, n’attendait en fait de conseil, qu’un geste rapide pour désigner tel ou tel livre, plutôt que de longs discours. Ces livres n’étant pas destinés à un affichage en vitrine, j’ai donc développé, tout au fond du magasin, un zone discrète, qui a reçu de plus en plus de visites. Le rayon a évolué au fil de mes propres lectures, vers des livres décrivant des pratiques plus extrêmes. Tu nous a avoué tout à l’heure un orgasme né de la douleur, Martina. Sache que ces plaisirs sont recherchés, plaisirs nés d’une contrainte, provoquée ou subie, contrainte physique s’accompagnant parfois de pratiques incluant la douleur physique. Tout cela me fascinait, je dois dire, et mes désirs ont trouvé un écho chez une jeune femme aux grands yeux tristes qui guettait les heures de faible fréquentation de la boutique, et me demandait, contrairement aux habituels acheteurs discrets, de lui commenter le contenu de certains livres, ceux-là justement qui éveillaient mes appétits.
Christophe s’est interrompu pour boire un peu de son cognac et m’a offert un autre sucre trempé. Martina s’est levée pour jeter un coup d’œil dans le salon, et s’est blottie sur les genoux d’Alain , se tenant d’une main à ma jambe glissée entre les jambes d’Alain :
- Ils sont dans le canapé. Jonathan et Véro ont l’air aussi « fatigués d’alcool » l’un que l’autre …
… et ce penchant vers moi :
- Tu le sens, là ? ça m’intrigue ton truc …
- … un peu …
Christophe a repris :
- J’ai fini par comprendre ce à quoi elle aspirait : elle s’offrait et attendait que je prenne. Je devais être le Divin Marquis, elle était Justine. Ce début était très innocent. Nous avons vécus cinq ans ensemble … non, je dois plutôt dire que notre relation a duré cinq ans. Nous restions distants, sans vie commune si ce n’est pour partager des périodes d’expérimentations sexuelles … la relation dominant-dominé est quelque chose de très particulier. La véritable force n’est pas où on le pense : il faut être infiniment plus fort pour accepter que pour exiger. Par exemple toi , Martina, qui me semble avoir le plus fort caractère de nous tous, tu ferais une très belle « esclave »…
- Tu veux m’asservir ?
- Non non non ! Loin de moi cette idée ! bien au contraire ! je ferais tout pour dissuader quiconque s’engagerait dans cette voie !
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- C’est une voie où il faut toujours plus. Plus fort, plus loin, plus violent, plus humiliant … toujours plus. L’exigence est dans l’attente ; l’attente doit être assouvie, et l’attente a grandie, et les jeux se sont durcis, bien au-delà de l’imaginable du début. J’ai cédé le premier. J’ai flanché et je l’ai déçue ; je n’ai pas su l’accompagner, la forcer, aussi loin et aussi profond qu’elle souhaitait être conduite. Elle est partie et je suis resté longtemps comme une coquille vide.
- Tu ne l’as jamais revue ?
- Oh si ! et je la vois encore, assez souvent. Mais nous sommes totalement étrangers l’un à l’autre. Ce qui nous réunissait est maintenant comme un gouffre entre nous. Et c’est très bien ainsi. On ne peut pas revenir sur ces choses-là. Je crains seulement que ce ne soit resté profondément ancré en elle. Je rêvais éveillé, pas elle ; c’était sa nature même.
- Tu crois qu’elle a trouvé un « maître » à sa mesure ?
- Non je ne crois pas. Mais je crois qu’un « esclave » peut devenir un « maître » tout à fait efficace, parfait …
- Ohh … tu crois qu’elle a changé de rôle ?
- Je crois, oui …
- Tu disais que les « jeux » se durcissent, ça peut être dangereux ? …
- Oui … et le danger naît du temps, parce qu’avec le temps vient le « toujours plus loin », et trop loin peut détruire … on peut soigner les corps, c’est plus dur de guérir les esprits …
Annie s’est tournée vers lui :
- Jure-moi que tu ne fouettes pas Maria !
- Je le jure !
- Jure-moi que tu ne l’offres pas aux ouvriers sur les chantiers !
- Je le jure !
- Jure que tu ne l’attaches pas toute nue pour la chatouiller partout partout avec une plume !
- Ça ! c’est elle qui me le demande !

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